Engine Check

Journée de cours chargée, le professeur que David surnommait affectueusement "la pute à Hemingway" venait de leur donner un nouveau travail de 15 pages sur... bien, Hemingway comme d'habitude.

20h15 - Sur la route du retour, David se trouvait à une dizaine de minute de chez lui. Pour une fois, il n'avait vu personne sur l'accotement. Puis soudain, un bruit sec et métallique provint de l'avant de la voiture, le clignotant engine check apparu sur le tableau de bord puis la voiture commençait à ralentir.

David donne un coup de la paume de la main sur le volant, signale et se range sur le côté. Il ferme les yeux, appuie sa tête contre le banc, le visage vers le haut. Il jure, puis prend de grands respires. Il ouvre les yeux et regarde aux alentours. (est-ce un de ces endroits?)

- Au moins il y a encore du monde qui passent.

Il sort de sa voiture, se trouve con de pas avoir accepter quand sa mère lui avait offert un cellulaire. Il se dit qu'il est encore plus con de pas avoir pris de manteau plus chaud ce matin avant de partir. C'est certain qu'il va attraper un rhume. Il ramasse son sac, barre les portes de sa voiture et commence à marcher vers St-Adjudor, un peu crispé sur lui-même, contre le froid. Si une voiture passe, il lève le pousse (et ça lui fait froid dans le dos).

David fige un instant. "C'est dans ma tête." Puis il recommence à marcher, lentement, en regardant ses pieds. Il n'arrête pas de marmonner : "c'est dans ma tête." Il espère vachement qu'une autre voiture va finir par passer et s'arrêter.

Le camion qui avait éclairé le corps ralentit lorsqu'il vu David. Ce dernier se dépêcha vers le camion. Le conducteur lui fit signe de monter. Un homme dans la quarantaine aux allures d'un agriculteur lui sourit.

-Alors ça va ? fit-il avec un accent visiblement français. On parirait que t'as vu un mort allez monte.

David monte rapidement dans le camion, blême. Sans assurance il dit :"Non ça va. Merci." Il garde son sac sur ses genoux et ferme les yeux une seconde. Puis il demande : "Vous allez bien à St-Adjudor?"

L'homme démarra, puis remonta le son de la radio faisant entendre une musique country.

-Oui, j'habite dans le rang juste ici. Tu peux appeller pour que quelqu'un vienne te chercher ou je te dépose en ville ?

Dans le camion, il y avait un tas de choses : des outils, des papiers, etc. Mais tout était rangé dans des pochettes et des étuis vissés un peu partout.

-C'était ta voiture sur la route ? continua l'homme.

-Ouais c'était ma voiture. Y a un truc de brisé et j'ai pas de cellulaire, mais vous avez qu'a me laissez à l'entrée de la ville si ça vous dérange pas. Merci encore.

-Si tu veux, j'ai tout ce qu'il faut pour te remorquer, tu n'aurais pas besoin d'appeller une dépanneuse. Tu épargnerais bien assez pour couvrir les réparations si c'est pas trop important. Allez, je me sens généreux.

L'homme ralentit pour effectuer un demi-tour.

-Hum, ouais merci... Ouais ce serait cool. Merci beaucoup monsieur.

Puis David se marmonne pour lui-même :"Les phantômes ça existe pas." Mais on peut voir à la lueur de l'affichage de la radio que sur sa main gauche, qu'il tient en point serré autour de la gance de son sac, ses jointures sont blanches.

Revenu à la voiture, l'homme se positionna devant elle et débarqua.

-Attend moi là, fit-il.

Il prit d'épais cables dans la boîte du camion puis entreprit d'attacher le tout. Le temps était long, mais l'homme finit par revenir s'asseoir à l'intérieur du véhicule.

-Oula, c'est frisquet dehors !

Il se frotta les mains, et mit les clef sur le contact pour démarrer la chaufferette. Il démarra le moteur. Un grincement de métal... c'est la porte de David qui venait d'être ouverte. Une vieille dame dont la peau semblait couler sur le visage se tenait là, l'air en trance. Ses vêtements salit de terre et rongés par le temps laissaient entrevoir son corps mutilé et décomposé... Elle était morte.

David était sorti pour aider l'inconnu lorsqu'il aperçut la femme. Il resta figer un instant, puis pris une expression horifié et se mit à reculer lentement, ses membres refusant de lui obéir comme il le voudrait, jusqu'à buter contre le camion de l'homme. Il ouvrit la bouche pour crier, mais il ne put produire aucun son sauf un petit gémissement. Ce devait être un cauchemar ou plutôt, il fallait que ça en soit un.

David cherchait en vain un signe qui lui permettrait de dire qu'elle n'est pas morte, mais c'était impossible, elle se décomposait depuis déjà un temps.

L'homme surgit de derrière le camion et d'un bon coup de pied au ventre, le vieux corps décrépit tomba à la renverse dans le fossé.

-Aller monte, on traîne pas ici, lança-t-il.

Il démarra le camion.

David réussi à se trainer dans le camion et à s'assoir. Pendant les premières minutes, son visage garde cette expression horifiée et il ne peut dire un mot. Puis il regarde l'homme à sa gauche pour qui tout cela semble si "normal" et il dit, tout bas :"C'était quoi?"

-Je sais pas, mais ça avait pas l'air sympathique.

Puis l'homme respirait fort par le nez, ça l'avait visiblement secoué lui aussi.

20h30 - Arrivé à Saint-Adjudor. L'homme se dirigea vers un garage du centre-ville. Puis après avoir détaché la voiture il donna une carte à David.

-Tiens, ça c'est mon numéro de téléphone, si jamais y'a encore des trucs louches qui se passent comme tout à l'heure, tu peux me faire signe.

David prend la carte et le remercie, puis prend la direction de chez lui.